Promouvoir l'inclusion financière en mettant l’accent sur les femmes : notre entretien inspirant avec Sucharita Mukherjee, co-fondatrice de Kaleidofin, partenaire d'Oikocredit en Inde.

Promouvoir l'inclusion financière en mettant l’accent sur les femmes : notre entretien inspirant avec Sucharita Mukherjee, co-fondatrice de Kaleidofin, partenaire d'Oikocredit en Inde.

Picture1.jpg22 mars | 2024

Plongez dans l'histoire surprenante de Sucharita Mukherjee, co-fondatrice de Kaleidofin, et découvrez son engagement indéfectible envers l'inclusion financière. Du monde exigeant de la banque d'investissement à la création de Kaleidofin en Inde, le parcours de Sucharita témoigne de sa détermination à apporter un changement positif - avec Oikocredit jouant un rôle crucial dans l'évolution de l'entreprise.

Comment votre parcours personnel a-t-il influencé la création de Kaleidofin ?

J'ai commencé ma carrière en banque d'investissement, plus spécifiquement dans les produits dérivés de crédit. À cette époque-là, j'ai compris le pouvoir des marchés et l'impact qu'ils peuvent avoir sur les client·e·s qui utilisent ces outils financiers. Le désir d’avoir un impact encore plus significatif via mon travail était toutefois prégnant. Je vivais à Londres, et je n'étais ni heureuse ni vraiment satisfaite. En un sens, j'avais l'impression que malgré ma carrière, je n'étais pas fière de moi. Cette expérience m’a motivée à revenir en Inde pour créer Kaleidofin.

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Sucharita Mukherjee

Comment la vision de Kaleidofin s'est-elle développée pour se focaliser sur l'autonomisation des client·e·s sous-bancarisé·e·s, en mettant particulièrement l'accent sur les femmes ?

La mission était de garantir à nos client·e·s la possibilité d’obtenir des outils financiers afin de développer leurs entreprises, d’améliorer leur vie et d’atteindre leurs objectifs comme envoyer leurs enfants à l’université. 98 % de nos client·e·s sont des femmes, et plus précisément des femmes qui travaillent dans l'économie informelle et qui n'ont pas de fiche de paie. Ces femmes gèrent de petits commerces ou de petites unités de couture. Et elles sont vraiment l'épine dorsale de l'économie indienne ! Plus globalement, 90 % des Indiens travaillent dans le secteur informel sans aucun document. Jusqu'à encore récemment, il était difficile pour ces personnes d'utiliser des outils financiers. C'est pourquoi nous avons créé Kaleidofin en 2017.

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Avez-vous rencontré des défis lorsque vous avez lancé l'entreprise ?

Nous avons rencontré notre lot de défis assez classiques du parcours d'une start-up. Pendant la période de structuration, les réglementations sur la protection des données ont subi des changements importants, nous obligeant à développer une infrastructure technologique entière. Cependant, en 2018, un an après la création de Kaleidofin, de nouvelles réglementations sont apparues, rendant notre système existant obsolète. Nous avons dû réaliser une reconstruction complète, à partir de zéro. Cette mésaventure a considérablement perturbé nos opérations. En revanche, nous avons saisi l'opportunité d'incorporer des fonctionnalités supplémentaires telles que l'approfondissement de l'évaluation de la santé financière, la technologie vocale et la reconnaissance de l'écriture.

En tant que fondateur ou fondatrice, il faut être prêt·e à naviguer en eaux troubles ; surtout au cours des premières années lorsque vous atteignez l'ajustement “produit-marché”. De plus, cette expérience nous a incité à initier notre parcours vers l'évaluation de la santé financière. Par conséquent, nous avons introduit le Ki Score, un outil très efficace qui a facilité plus de 2 milliards de dollars de financement. Cela nous a permis d'améliorer notre capacité à évaluer la santé financière des ménages, à évaluer la solvabilité, à déterminer les besoins de crédit et à identifier les produits financiers adaptés. Cette trajectoire a accéléré notre calendrier de développement de produits au-delà de ce que nous avions initialement prévu.

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Comment les solutions financières de Kaleidofin sont-elles adaptées aux besoins et aux objectifs spécifiques d'une base d'utilisateurs principalement féminine ?

Comme je l’ai précisé, 98 % de nos client·e·s sont des femmes, et sur les environ 4 millions de client·e·s que nous servons, près de 1 million sont engagé·e·s dans de petites entreprises et sont passé·e·s avec succès à des prêts d'entrepreneurs nano souscrits individuellement. Pour améliorer l'expérience client, nous accordons la priorité à l'investissement dans la plateforme, menant des recherches de marché méticuleuses pour garantir la pertinence et l'accessibilité. Nos conclusions révèlent que malgré leur compétence dans la gestion des entreprises, les femmes de l'économie informelle manquent souvent de confiance numérique lorsqu'il s'agit de transactions financières sur smartphones. Elles pensent constamment qu'elles vont faire une erreur et perdre de l'argent.

Ainsi, nous avons intégré une assistance dans notre infrastructure technologique, proposant à la fois une application gérée par le ou la client·e et une application assistée par un·e agent·e pour celles et ceux ayant besoin de conseils. En capitalisant sur la confiance que les femmes ont les unes envers les autres, nous avons permis aux agent·e·s, souvent des leaders locaux, d'aider leurs collègues femmes à naviguer dans les processus financiers. La confidentialité est apparue comme une autre priorité, car de nombreuses femmes ont exprimé des préoccupations concernant la confidentialité en raison de leur rôle de gardiennes de leur foyer.

Reconnaissant le confort que de nombreuses femmes ont avec les interactions vocales plutôt que la saisie, nous avons fortement investi dans la technologie vocale. Cela incluait la possibilité d'envoyer des messages vocaux pour faciliter la discipline financière, l'épargne et la gestion du crédit. Ces fonctionnalités adaptées, ainsi qu'une souscription spécialisée pour les entreprises détenues par des femmes, soulignent notre engagement à autonomiser les femmes dans le secteur informel grâce à des solutions financières conviviales, confidentielles et de soutien.

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Comment Oikocredit a-t-il soutenu la vision et la mission de Kaleidofin ?

Oikocredit a joué un rôle incroyablement important dans notre parcours vers l'inclusion financière - en particulier pour les entreprises dirigées par des femmes. Il y a une incroyable convergence et un sens de mission et de valeurs partagés. Oikocredit s'intéresse vivement au renforcement de la structure de gouvernance de Kaleidofin - sans pour autant imposer son propre programme. Au lieu de cela, il a ancré notre groupe d'actionnaires, ainsi que notre conseil d'administration. Cela a aidé à maintenir l'ensemble de l'entreprise aligné sur notre mission.

D'autre part, Oikocredit est intervenu très tôt dans notre levée de fonds de série A, démontrant ainsi sa confiance en notre projet dès ses débuts. La coopérative partageait notre conviction en la capacité de la technologie et de la science des données à générer fondamentalement de meilleures solutions financières à travers l'écosystème numérique créé par la plateforme de Kaleidofin, accélérant ainsi notre croissance de manière significative. Je suis ravie de constater que nous avons concrétisé cette vision, un accomplissement qui aurait été difficile à atteindre sans le soutien précoce d'Oikocredit. Cela définit également un standard élevé pour les autres investisseurs qui se joignent à nous. En tant que fondatrice, je considère cela comme extrêmement bénéfique.

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En quoi la prédominance des femmes au sein du conseil d'administration de Kaleidofin contribue-t-elle à votre succès et à votre avantage concurrentiel ?

Cette composition apporte une diversité de perspectives que nous n'aurions pas eue autrement, ainsi qu'une vision unique. Étant donné que 98 % de nos client·e·s sont des femmes, il est naturel pour nous d'avoir une majorité de femmes au sein du conseil d'administration, ce qui nous permet de mieux comprendre notre segment de clientèle. Par exemple, nous avons mis en place des politiques de recrutement visant à favoriser la diversité, y compris au sein de la haute direction. De plus, nous comptons deux femmes parmi les quatre co-fondateurs·trices.

Après avoir siégé à plusieurs conseils d'administration, j'ai constaté qu'un conseil majoritairement féminin est moins centré sur les positions et l'ego, mais davantage axé sur la substance, sur le fond. Autrement dit, sur ce qui est le mieux pour l'entreprise.

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Quels sont vos domaines d'intérêt actuels en termes de produits et services financiers ?

Nous avons franchi des étapes importantes vers notre objectif d'équilibre financier et de création de valeur pour les actionnaires. À présent, nous aspirons également à mettre en place une mesure d'impact scientifique, car nous sommes convaincus que le secteur financier que nous soutenons aura un impact significatif. Les retours financiers revêtent une importance cruciale, conformément au fonctionnement du marché, et nous nous engageons à y répondre. Nous cherchons à garantir une évaluation précise de cet impact. Notre focalisation se tourne désormais vers l'expansion des prêts destinés aux femmes entrepreneures, afin de leur offrir une gamme étendue d'outils pour façonner leur avenir.

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Qu'est-ce que l'avenir réserve à Kaleidofin ?

Cette année à venir, notre focus est dirigé vers le renforcement de nos capacités de souscription dans le secteur agricole, étant donné que plusieurs de nos client·e·s opèrent dans les domaines de l'agriculture ou de la laiterie. Cette orientation nous permettra de proposer davantage de prêts et d'assurances personnalisés, ainsi que d'autres produits financiers qui répondent spécifiquement aux besoins de notre clientèle.

Par ailleurs, notre solution présente un fort potentiel d'exportation. Nous envisageons de réutiliser l'architecture de nos microservices pour toucher les client·e·s dans d'autres marchés émergents dont le secteur informel est également important. Nous sommes convaincu·e·s que l'infrastructure de marché nécessaire à l'inclusion financière fait défaut dans de nombreux pays émergents, tels que certains pays africains ou plus près de chez nous, comme le Bangladesh. De la même manière qu'en Inde, de nombreuses institutions financières centrées sur l'impact, telles que les IMF et les coopératives de crédit, ne disposent pas des technologies, des processus de prêt ou des infrastructures de marché nécessaires pour fournir un crédit productif et de qualité, en particulier aux femmes.

Bien trop souvent, la technologie et la finance sont développées en priorité pour le sommet de la pyramide économique. Nous aspirons désormais à inverser cette tendance !

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