Entretien : Notre réactivité a permis de maintenir nos résultats
A l’heure où paraît notre rapport annuel 2020 Mirjam 't Lam, directrice financière en charge de la gestion des risques de Oikocredit, nous livre un aperçu des résultats financiers de la coopérative et nous raconte son arrivée chez Oikocredit au beau milieu de la pandémie mondiale de Covid-19.
Comment la pandémie a-t-elle affecté les résultats financiers 2020 de Oikocredit ?
Cette année a été difficile pour tout le monde et Oikocredit n'a pas fait exception. Au début de l'année, du fait de la pandémie, nous avons dû prendre relativement rapidement des décisions sur l’orientation de nos activités, sans savoir de quoi l’avenir serait fait.
Par exemple, nous avons décidé au premier semestre de ne pas financer de nouveaux partenaires et nous nous sommes concentrés sur l'accompagnement des partenaires existants. À la suite de cette décision, les partenaires de Oikocredit ont fait preuve de résilience mais la valeur du portefeuille a diminué de plus de 20%. Nous constatons que les économies des pays dans lesquels nous intervenons ont besoin de beaucoup de soutien pour se reconstruire, donc nous nous y préparons.
Nous avons maintenu un haut niveau de liquidités afin de soutenir nos activités et nous nous sommes concentrés sur la protection de notre capital tout en accompagnant nos partenaires. Avec une surveillance accrue et une politique plus stricte, nous avons travaillé dur pour protéger la qualité de notre portefeuille.
Quels sont les effets sur les résultats de Oikocredit ?
L’association de toutes ces décisions a eu un impact négatif sur nos résultats. Nous avons également subi une perte de change de 11 millions d’euros, en partie en raison de l'appréciation continue de l'euro, et dans une moindre mesure du dollar américain, par rapport aux monnaies locales dans lesquelles nous octroyons nombre de nos prêts et investissements. Près de 50% de nos prêts sont consentis en devises locales.
Par conséquent, nous avons enregistré une perte de 22,2 millions d'euros. C'est pourquoi le Directoire, avec le soutien du Conseil de surveillance, a proposé un dividende de 0% pour 2020. Cette année a été étrange et difficile pour tout le monde et nous sommes très reconnaissants vis-à-vis de nos investisseurs pour leur soutien et leur compréhension.
Oikocredit dispose également de réserves qui nous ont permis d'absorber le déficit de l'année. La valeur nette de l’actif par action est toujours supérieure au prix d'émission. La stabilité du capital, associée aux liquidités actuelles, permet à Oikocredit de continuer de soutenir les émissions et les rachats d'actions tout en ayant la capacité de reconstruire son portefeuille de manière durable.
Quelles mesures mises en place par Oikocredit en 2020 vous ont marquée ?
J'ai été impressionnée par les mesures prises par Oikocredit lorsque j'ai commencé en novembre. D'un point de vue financier, je pense que Oikocredit a pris les bonnes décisions dès le départ. Non seulement, nous avons réfléchi à la façon dont nous pourrions protéger Oikocredit sur le plan financier, mais nous avons donné la priorité à nos partenaires, en mettant l'impact social au premier plan.
Dès le début de la pandémie, nous cherchions différentes manières de soutenir nos partenaires et nous avons rapidement pris des mesures en conséquence. Nous avons octroyé des délais de paiement, organisé des webinaires, constitué le fonds de solidarité et mis encore plus d'initiatives en place pour soutenir nos partenaires pendant la crise [en savoir plus sur ces initiatives via la page Internet]. Toutes ces mesures nous ont valu leur reconnaissance.
J'ai également été impressionnée par tout ce qui a été déployé pour informer régulièrement nos investisseurs et nos membres sur nos performances et nos initiatives. En nous concentrant sur la préservation des liquidités, nous (investisseurs, partenaires et Oikocredit) pourrions surmonter cette période toutes et tous ensemble. La stabilité de notre capital social en 2020 témoigne de la fidélité de notre base d'investisseurs : ceux-ci ont en effet décidé de traverser la tempête avec nous afin de nous permettre de continuer de mener à bien notre mission de soutien auprès de nos partenaires. Ceux-ci travaillent dur pour aider à améliorer la vie des personnes à faible revenu. Leur travail est d’autant plus crucial en ces temps difficiles.
Cela était-il prévu et Oikocredit devra-t-elle prendre des mesures supplémentaires ?
Nous savions que la pandémie aurait un impact sur notre travail. Nous nous y attendions et l’avons communiqué à nos membres et investisseurs tout au long de 2020.
Pour le moment, je ne pense pas que nous devions prendre des mesures supplémentaires, mais il ne faut pas baisser la garde sur ce que nous faisons actuellement en termes de suivi des partenaires et d’information de nos membres et investisseurs. Le plus important est de continuer de nous engager auprès de nos partenaires actuels, en prenant les bonnes mesures pour les accompagner au mieux, tout en recherchant de nouveaux partenaires et de nouvelles opportunités d’utiliser d'une manière durable sur le plan social et financier le capital qui nous est confié.
Dans quelle mesure la pandémie affecte-t-elle nos partenaires et investisseurs ?
Nos partenaires sont touchés différemment selon leur nature. Ainsi, nos partenaires de l'agriculture et des énergies renouvelables ont été moins touchés que nos partenaires de l'inclusion financière. Ce sont les petites et moyennes entreprises (PME) qui sont le plus en difficulté. En général, nous avons connu une baisse de la demande de crédit, les partenaires ayant appliqué la même prudence que nous. C'est pourquoi il est important pour nous de continuer d’évaluer leurs besoins ainsi que les conditions dans lesquelles ils opèrent, et d'apporter notre soutien partout où nous le pouvons.
Nous savons que la pandémie touche tout le monde, y compris nos investisseurs. La plupart nous sont restés fidèles, comme en témoigne la stabilité de la position du capital en 2020 : ils nous ont soutenus pendant cette année incroyablement difficile, signe de leur empathie pour nos partenaires et leurs clients. Ils savent que le travail que nous faisons est extrêmement important, surtout en cette période sans précédent.
Comment Oikocredit va-t-elle aller de l’avant alors que la pandémie se poursuit ?
L’impact global de la pandémie est encore inconnu, nous devons en avoir conscience. Mais, malgré ces incertitudes, nous élaborons des plans et nous nous engageons auprès de nos partenaires pour les soutenir, eux et leurs communautés. Nous voulons les aider à surmonter les effets de la pandémie et à devenir plus résilients.
C'est également ce que nous envisageons avec notre nouvelle stratégie pour 2022 à 2026. Nous réfléchirons de façon plus générale à la manière dont nous pouvons aider nos partenaires à améliorer, sur le long terme, la vie des personnes à faible revenu qu'ils servent.
Combien de temps faudra-t-il à Oikocredit pour se remettre des difficultés financières liées au Covid-19 ?
En 2021, nous serons toujours affectés par le Covid-19 mais pas aussi sévèrement qu'en 2020. Par ailleurs, nous comprenons mieux l'impact de la pandémie sur l'économie. Avec un bon niveau de provisions et des signes de reprise au niveau du portefeuille de financement du développement, nous prévoyons d'afficher, en 2021, un résultat positif, même s’il sera modeste. Je dis modeste car la forte baisse du portefeuille de financement du développement a affecté notre revenu global. Avec une croissance du portefeuille en 2021 qui nous permette de revenir aux niveaux précédents, nous prévoyons d’être de nouveau dans les clous en 2022.
Qu'est-ce qui vous a encouragée pendant cette période sans précédent ?
La passion et l’empathie des collaboratrices et collaborateurs de Oikocredit, que l’on parle des flux entrants et sortants, du personnel ou des autres personnes impliquées, pour soutenir nos partenaires, m'ont beaucoup encouragée et motivée. Peu importe à qui vous parlez chez Oikocredit, que cette personne soit bénévole ou collaboratrice d’une association de soutien, partenaire, investisseur ou salariée, tout le monde est uni autour de l’idée que le travail de Oikocredit a du sens.